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Said ou l'art d'être
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des réflexions profondes nées d'un chagrin

Sur son monticule de terre grise, elle se pencha et arracha une touffe d'herbe sauvage, l'approcha de son visage illuminé par la lueur de l'aube puis elle se redressa et d'un geste majestueux fit une révérence au clair de lune en tenant les rebords dentelés de sa tunique blanc-rose,son sourire est un rire avorté, 
sa voix, quand elle parle est une symphonie qu'il faut écouter, ses cheveux noirs volèrent dans le vent par un souffle impétueux, et les quelques mèches violettes reflétèrent un arc dans un ciel à peine éclairé, elle descendit de son piédestal, jeta la touffe et marcha vers la lune,Artémis, reviendras-tu un jour?Résonna dans son coeur la voix tue de son éternel amour,Artémis, un amour qui commence à ressembler à une illusion. 
Elle emprunta le sentier menant au château, elle avançait d'un pas lent et indécis, le regret se dessinait sur son visage affaibli par la pensée, ses yeux scintillaient, à l'image du ciel étoilée.Elle savait pourtant pertinemment que Arès n'était pas un bon parti, elle n'était pas faite pour lui encore moins lui pour elle, l'idée de se marier demain lui rongeait le coeur déjà endolori, elle s'arrêta un instant,plia les rebords de sa robe dentelée et prit une longue respiration, le corset comprimait son buste frêle, du haut du château, la fale dominait l'entrée sud, les murs cramoisis s'élevaient sur une vaste étendue de terre et enveloppaient les bâtiments de cette édifice conçu d'ensemble et élevé d'un seul jet par les Lords, puissante famille aux ressources immenses.Les cris de joie s'entendaient de loin, les ombres dansaient sous les lumières des torches accrochées aux murs.Artémis traversa la profonde douve sur une herse en tout temps gardée baissée, elle se regarda dans l'eau et vit la future Lord, remplie de chagrin, une image brumeuse qui reflète ses sentiments nébuleux pour cette union indésirable. 
-“Où es-tu allée?” Cria Arès du haut du chemin de ronde. 
-“J'ai marché un peu, j'avais besoin d'être seule un moment”Répliqua Artémis sans prendre la peine de savoir d'où provenait la voix. 
Enfin, accablé, épuisée de douleur, sans jamais clamer la source de sa souffrance, elle se laissa tomber dans les bras d'Arès qui la serra contre lui.Au loin, on entendit la cloche de la grande église sonner le glas, mystérieux présage ou pur hasard, le mariage d'Artémis allait-il prendre cette teinte funèbre? 
ils marchèrent le long du chemin de ronde, descendirent quelques marches, Arès en premier tout en prenant soin de tenir fermement la main d'Artémis qui sentait encore l'odeur de la terre provenant de cette touffe d'herbe sauvage. 
Dans ce coin isolé du château se trouvait la chambre provisoire des mariés, selon la coutume, nul ne peut en franchir le seuil à part Artémis, Arès doit attendre après le mariage pour faire valoir ce privilège qu'il convoite tant. 
Elle entra, ferma la porte sans dire un mot, elle eut à peine le temps de desserrer son corset qu'elle s'écroula dans le lit. 
Arès, de l'autre côté de la porte, attendit un instant puis longea le couloir et disparut dans l'ombre des murs.La lune descendit tranquillement et vint éclairer à travers les anneaux de la fenêtre, le visage en larmes d'Artémis, son corps chaud frémit dans cette chambre froide et sinistre, elle aimerait tellement les quitter et ce corps et cette chambre. 
Elle se tourna sur le dos, et fixa le plafonnier.Un vent frais pénètre tristement par-dessous la porte, en même temps une voix narquoise qu'elle connait bien lui dit: 
-«En voilà des manières, délaisser les invités pour contempler le plafond!» 
Artémis se leva, s'essuya le visage et d'un ton macabre répondit: 
-«Je descends, je ne me sentais pas bien...c'est peut-être la fatigue.» 
-«Je sais, Arès m'a averti que tu n'allais pas bien et je suis venue te voir aussitôt.» 
-«Merci, maman.»Répondit Artémis. 
La mère d'Artémis pousse les soixante années de son existence non moins sans peine, le cerne de ses yeux meurtris par les nuits longues et ennuyeuses du raccommodage, rajoute une dizaine d'années à son âge, ses longs cheveux gris pendent encore jusqu'à ses hanches érodées par l'arthrose, un cache-misère, en guise de robe pour l’heureuse circonstance, couvrait sa peau flasque et plissée. 
Loin d'être une marâtre, elle a su élever sa fille unique et trimer pour rendre heureux son époux, habitée par une force incroyable et animée par un pouvoir incandescent, elle continue de mener sa vie chimérique en portant un brin d'espoir sur sa fille et sur cette union, les lords ne seront plus dorénavant ses employeurs tel est le cas est ce depuis la naissance d'Artémis, mais feront partie de la famille et pour rien au monde elle n'aurait changé ce fait.Pourtant elle savait que le coeur de sa fille appartenait à un autre, quoique la raison soit plus forte et que la passion soit plus grande que l'immensité du ciel qui enveloppe l'univers. 
Artémis descendit les marches, le bruit des fêtards devient de plus en plus assourdissant, son corps se mêla à la foule mais son âme se perdit dans le brouhaha et voyagea loin très loin dans le temps. 
Le commencement.  
Nazaire a su qu'il était gravement malade,tous les médecins l'ont condamné une maladie, incurable, il savait qu'il allait mourir, peut être dans un mois, peut être moins.Le désespoir qui l'envahissait ne l'aidait pas à ménager les quelques moments qu'il lui restaient à vivre,ses yeux autrefois éclatants sont maintenant enfouis dans le cerne qui les entoure. 
Chaque soir, il prenait une marche dans les ruelles du village déambulant son corps squelettique, passant en revue chaque commerce, chaque magasin, dévisageant chaque passant comme pour garder en mémoire certaines images de la vie, cela lui donnait espoir et semblait prolonger ses heures ici-bas.Ah!Le temps, le temps, s'il pouvait l'arrêter, faire reculer sa cloison toute entière ou s'il pouvait renaître, tout simplement, s'il pouvait recommencer depuis le début, hélas, il ne peut pas, il ne peut plus, la maladie égrugeait son corps comme la vie égruge le temps.Nazaire va mourir, l'épitaphe est gravée déjà sur son front livide.Il traversa la rue carrelée de dalles ciselées et bien nivelées servant de pavage, sous une fine pluie qui vient abreuver la pierre desséchée, il s'arrêta un court instant devant la librairie, profita de l'accalmie sous l'auvent pour s'essuyer le visage des quelques gouttes d'eau, il fixa la vitre et s'y regarda un long moment, il est encore debout, il respire,soudain son souffle fut coupé par une silhouette qui vient embrouiller son image sur la vitre, ébloui, il avança d'un pas, il a maintenant le nez presque collé à la vitre, la silhouette devint plus nette, plus distincte, son visage resplendissant apparaissait sous une chevelure d'un noir encre que des mèches violettes embellissaient.Il entra, et mine de rien, choisit un livre, sans se soucier de son contenu, s'approcha du comptoir en bois sculpté à l'effigie de quelques grands érudits, il regarda la silhouette et ne put s'empêcher de penser à caresser ses cheveux fins, à lui parler, jusqu'à ce que la voix de la silhouette le sortit de son songe. 
-«Vous aimez les contes?» 
-«Oui, en particulier celui là».Répondit-il sans hésiter. 
-«Je vais vous l'envelopper, excusez-moi un moment».Elle se leva et disparut dans les tas de livres qui encombraient les allées. 
L'attente fut longue pour Nazaire, La silhouette vient à peine de partir et sent déjà la nostalgie de son visage rayonnant de beauté, il a quelque chose de familier ce visage, il jurerait l'avoir déjà vu. 
-«Voilà, c'est fait!»Dit la vendeuse d'une voix douce. 
-«Merci!»Répondit Nazaire sans plus. 
-«C'est moi qui vous remercie, je m'appelle Artémis.» 
-«Nazaire, heureux d'avoir pu faire votre connaissance en achetant dans votre librairie, Artémis».Dit Nazaire en cherchant ses mots. 
-Ce n'est pas la mienne, je suis employée seulement, elle appartient aux Lords.Répondit-elle. 
-Ah!  
(...à suivre).

  
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